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Représentations sociales associées à la construction multi-étagée en bois

Vulgarisation scientifique: Baptiste Giorgio, candidat au doctorat – Université Laval

CIRCERB-CRMR

 

Article vulgarisé: Social Representations of Mass Timber and Prefabricated Light-Frame Wood Construction for Multi-Story Housing: The Vision of Users in Quebec

Auteurs : Baptiste Giorgio, Pierre Blanchet and Aline Barlet

Date de publication : November 2022 Journal : Buildings DOI : https://doi.org/10.3390/buildings12122073


Vous pouvez consulter l’article ici [1].

Baptiste Giorgio
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Représentations associées à la construction multi-étagée en bois : Les comprendre pour augmenter le nombre de projets en bois dans les prochaines années


Introduction


L'utilisation accrue du bois est une des solutions qui permettent de relever les défis actuels et futurs du secteur de la construction. Cependant, malgré des études qui démontrent les avantages de structures en bois sur l’ensemble de la chaîne de valeur, les perceptions (aussi appelées représentations sociales) associées au matériau bois demeurent l’un des principaux freins à une plus grande adoption de la construction en bois en Amérique du Nord. En effet, nous nous reposons tous sur nos représentations sociales pour appréhender notre environnement qui est extrêmement complexe, en le simplifiant et le schématisant pour lui trouver une cohérence et une stabilité [2]. Ces représentations guident ainsi nos interactions sociales, dont la prise de décisions dans le cas d’un projet immobilier, elles peuvent alors créer un décalage avec la réalité technique de ces modes constructifs.


Dans le secteur de la construction, cela conduit à une dépendance aux pratiques préétablies qui favorisent des matériaux tels que le béton qui domine largement la construction résidentielle multiétagée. Ces représentations qui découlent de la nature très conservatrice de cette industrie, ralentissent l’adoption de pratiques innovantes, et limitent les retombées positives potentielles qui pourraient résulter d’un changement de pratiques.


Présentement, le bois est utilisé dans la construction de logements multiétagés, mais il est souvent réservé aux constructions de petites hauteurs [3]. Bien que les ouvertures réglementaires récentes permettent de construire jusqu’à 6 étages en ossature légère et jusqu’à 12 étages en bois massif [4], ces types de constructions restent à la marge dans la pratique professionnelle [3]. Le contexte québécois présentant une hausse constante du manque de main-d’œuvre mariée à celle du besoin d’habitation, la construction industrialisée et la construction en hauteur deviendront des solutions clés à la crise de l’habitation. En ce sens, l’industrie du bois fait face à une opportunité exceptionnelle qui devra s’accompagner d’une levée des obstacles associés à ses méthodes constructives et d’une hausse de l’expertise des parties prenantes pour garantir son succès.


Malgré une littérature existante concernant la caractérisation des perceptions au sujet du matériau bois, il existe peu de données sur l’état actuel des préférences des usagers pour son usage en tant que matériau de structure, ainsi les facilitateurs et les obstacles du côté de la demande restent inconnus à ce jour [5].


Objectif : favoriser l’adoption du bois


L’objectif de mon projet donc est de comprendre comment favoriser l’adoption du bois et de la préfabrication dans la construction multirésidentielle dans le contexte québécois. Plus précisément, cet article s’intéresse aux représentations sociales des usagers afin de déterminer les leviers et les obstacles actuels du côté de la demande.


Méthodologie

Pour atteindre cet objectif, une enquête par questionnaire a été menée auprès d’un échantillon représentatif aléatoire de la population québécoise (n=400). Ce questionnaire consistait en une comparaison de la construction en bois massif et en ossature légère, à d’autres modes constructifs comme l’acier ou le béton. Plus précisément, les questions portaient sur l’acceptabilité, la désirabilité et les préjugés liés aux matériaux de structure. L’analyse des données a consisté principalement dans des statistiques descriptives (effectifs, pourcentages, tris croisés), des tests d’hypothèses statistiques (Khi2) et des analyses multifactorielles.


Résultats

Préférences des usagers relatives aux principaux matériaux de structure


Cette étude d’envergure a permis de tirer plusieurs constats. À la différence du béton qui est aussi apprécié que l’inverse, on constate une préférence marquée des usagers pour la construction en bois massif. Les constructions en ossature légère en bois et en acier sont quant à elles les moins appréciées (Figures 1 et 2).


Figure 1. Préférence favorable des répondants pour différents matériaux structurels : (a) Bâtiments dans lesquels les répondants aimeraient le plus vivre ; (b) Raisons pour lesquelles les répondants aimeraient le plus vivre dans ces bâtiments.



Figure 2. Préférence défavorable des répondants pour différents matériaux structurels : (a) Bâtiments dans lesquels les répondants aimeraient le moins vivre ;(b) Raisons pour lesquelles les répondants aimeraient le moins vivre dans ces bâtiments.


Analyse: facilitateurs et obstacles


L’examen du profil moyen de réponse obtenu avec ce questionnaire indique que l'utilisation du bois dans la construction de logements multi-étagés en hauteur (plus de 4 étages) ne fait pas partie des représentations d'une majorité de Québécois (Figure 3). Les leviers identifiés sont l'esthétique du bois, le confort thermique, la durée de vie et l'aspect environnemental, bien que l'exploitation forestière reste une préoccupation importante pour les répondants. En effet, la majorité des répondants estiment que cette industrie provoque la déforestation et endommage les écosystèmes. Les principaux obstacles sont le coût, la sécurité incendie et la durée de vie (Figure 3). Ces obstacles sont d’autant plus importants, car ils ont tendance à dominer les autres thèmes lors de la prise de décision [6].



Figure 3. Profil moyen de réponse de l'échantillon représentant la population québécoise concernant le bois massif et l'ossature légère en bois.


Pour la préfabrication en bois en ossature légère, les résultats de l’examen du profil moyen de réponse suggèrent que la perception moyenne est positive ou presque neutre, sauf pour quelques variables. Les avantages sur le chantier (tels que la réduction du temps de construction, la réduction des nuisances et l'augmentation de la sécurité) et le coût de construction font partie des représentations clairement positives. Les Québécois ont une opinion plutôt neutre sur la sécurité de ces constructions et la possibilité de construire des logements multiétagés de 5 et 6 étages. Toutefois, lorsque la préfabrication est comparée à la construction sur site, en ce qui concerne la résistance structurelle et la qualité, sa représentation est plutôt négative.


Ces tendances neutres pourraient s’expliquer par plusieurs raisons telles que : le manque de connaissance sur le sujet qui induit une difficulté à se positionner, des représentations plus influencées par le matériau que par la méthode de construction (sur site ou préfabriqué), ou encore une inconstance de l’industrie en termes de qualité.


Différents profils de réponses…


Les profils de réponses ont ensuite été étudiés afin d’identifier des relations entre les caractéristiques de répondants et les réponses obtenues. Cela a révélé que certains groupes de répondants étaient des cibles privilégiées pour faire évoluer les représentations sur la construction en bois.


Par exemple, l’analyse factorielle (Figure 4) a révélé que les sujets qui polarisent le plus les groupes de répondants sont la durée de vie et la sécurité incendie. Tandis que l’analyse des tests d’hypothèses statistiques (Khi2) a révélé que la dimension expérientielle, c’est-à-dire le type de structure du logement occupé actuellement par le répondant influençait très significativement ses perceptions. Ainsi, les personnes habitant des logements en bois sont beaucoup plus favorables au bois que ceux qui habitent dans des logements en béton ou acier. Le genre et l’âge influencent également les profils de réponses dans une moindre mesure.


Figure 4. Exemple d'analyse multifactorielle qui permet d'identifier des groupes de réponse parmi toutes les réponses obtenues.


Qu’est-ce qu’on fait de ces résultats ?


Sur la base de ces résultats, les professionnels du bâtiment devraient développer un argumentaire adapté aux attentes et craintes de leurs interlocuteurs en capitalisant sur les motivations et rassurant sur les préoccupations des usagers. Cependant, l'industrie forestière devrait davantage communiquer sur ses pratiques environnementales au Québec, car cette partie de l'aspect environnemental reste une préoccupation importante pour les répondants. Il est également très important d'aborder les thèmes récurrents dans les représentations sociales négatives du bois, qu'il s'agisse du bois massif ou de l'ossature légère en bois, comme l'aspect sécurité et la durée de vie. L'utilisation du bois dans la construction d'habitations multiétagées de grande hauteur ne semble toujours pas faire partie des représentations sociales d'une majorité de Québécois, en raison de ces questions. Ceci est cohérent avec les résultats de Høibø et al. [6], qui ont affirmé que les perceptions liées à la durée de vie et à la sécurité ont tendance à dominer les autres thèmes lors de la prise de décision. Ainsi, cette étude fournit une base pour définir des méthodes et outils de médiation, évidemment adaptés aux thèmes, mais aussi aux types de profils, afin de poursuivre plus efficacement le transfert de connaissances.


Comme constaté dans la littérature, la connaissance du bois augmente la préférence pour son utilisation en tant que matériau structurel [6]. Ainsi, si l'utilisation accrue du bois est un objectif pour répondre aux problèmes de l'industrie, le transfert de connaissances sur des sujets perçus négativement à des groupes sociaux identifiés peut être un outil efficace pour promouvoir son adoption.

 

Bibliographie


[1] Giorgio, B., Blanchet, P., Barlet, A. (2022). Social Representations of Mass Timber and Prefabricated Light-Frame Wood Construction for Multi-Story Housing: The Vision of Users in Quebec. Buildings, 12, 2073, https://doi.org/10.3390/buildings12122073.

[2] Weiss, K., Rateau, P. (2018). Psychologie sociale et environnementale : 11 fiches pour comprendre. In Press, ISBN 978-2-84835-456-9.

[3] Robichaud, F. (2019). Étude de marché sur l’utilisation du bois dans la construction non résidentielle et multifamiliale au Québec, Cecobois.

[4] Pelletier, A., Lessard, N., Gagnon, S., Dagenais, C. (2022). Bâtiments de construction massive en bois encapsulé d’au plus 12 étages – Directives et guide explicatif – Version révisée 2022. Régie du bâtiment du Québec, Gouvernement du Québec, QC, Canada. ISBN 978-2-550-91135-7, https://www.rbq.gouv.qc.ca/fileadmin/medias/pdf/Publications/francais/guide-construction-massive-bois-plus-12-etages.pdf.

[5] Jussila, J., Nagy, E., Lähtinen, K., Hurmekoski, E., Häyrinen, L., Mark-Herbert, C.; Roos, A., Toivonen, R., Toppinen, A. (2022). Wooden Multi-Storey Construction Market Development – Systematic Literature Review within a Global Scope with Insights on the Nordic Region. Silva Fenn, 56, https://doi.org/10.14214/sf.10609.

[6] Høibø, O., Hansen, E., Nybakk, E. (2015). Building Material Preferences with a Focus on Wood in Urban Housing: Durability and Environmental Impacts. Canadian Journal of Forest Research, 45, 1617–1627, https://doi.org/10.1139/cjfr-2015-0123.






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